La peinture des pauvres
Deux extraits d'un article paru en 2004 dans l'Humanité au sujet d'une exposition et d'un livre:
Christiane Noireau : Petites gens, grande misère.
Avant-propos d’Albert Jacquard. Somogy, coédition avec le
musée départemental de l’abbaye de Saint-Riquier. 127
pages, 25 euros.
Exposition au musée départemental de l’abbaye de
Saint-Riquier (Somme), jusqu’au 5 septembre.
http://www.humanite.fr/
2004-07-03_Cultures_-La-peinture-des-pauvres
Article paru
le 3 juillet 2004
La chronique d’Évelyne Pieiller
La peinture des pauvres
"... Les peintres, quant à eux, peignaient le plus souvent sur commande. Or, les commanditaires étaient des gens fortunés, qui souhaitaient montrer à Dieu et à la société qu’ils étaient de bons et riches croyants, et, plus tard, voulurent orner leur demeure de témoignages de leur grandeur, ou d’aimables images de la douceur du monde. Les peintures eurent donc rarement l’occasion de peindre ceux qui travaillaient, ceux qui n’étaient guère présentables, ceux qui gagnaient leur pain à la sueur de leur front. Bien sûr, il y eut des exceptions : Murillo, le Caravage, les frères Le Nain, La Tour, mais le plus souvent, le " peuple ", quand il apparaissait, était un peu joli, un peu bien charmant, un peu débarbouillé. Ce n’est guère qu’au XIXe siècle, quand commence à se poser violemment la " question sociale " que les pauvres vont devenir des " sujets " à peindre, de Hogarth à Daumier, de Van Gogh à Rouault …"
"... Pourtant, les Mendiants rassemblés devant un four à chaux, de Sébastien Bourdon, offre une mise en scène saisissante d’une sorte de crèche pour mendiants, brutale et chaleureuse, en plein XVIIe siècle, tandis que le Défilé des Gueux, d’Alphonse Cornet, à la fin du XIXe, invente une parade étrange et violente, où sont réunis tous les laissés-pour-compte de la société, qui défilent non sans panache devant une " Vierge " désespérée, au-dessus de laquelle s’affiche un cruel " Avec Regina ! Miserite salutant ! ". Oui, l’histoire " officielle " de l’art nous a confisqué des oeuvres qui pourraient être nécessaires, elle qui préfère les vainqueurs…"